lundi 24 novembre 2008

Appeler son père ou sa mère par leur prénom

Appeler son père ou sa mère par leur prénom

Cette Hala’ha est dédiée à la Refoua Shelema – la guérison complète de ma chère maman Simi Bat Leah, ainsi que pour la Refoua Shelema du Gaon et Tsaddik Rabbi Morde’haï Tsema’h Ben Mazal Tov (le Rav Morde’haï Eliyahou shalita)

Pour l'élévation de la Neshama de mon ami Refael Eliyahou Ben Esther (ALLOUCH)

Question

Est-il permis à un fils ou une fille d’appeler son père ou sa mère par leur prénom ?

Décision de la Hala’ha

Il est interdit d’appeler son père ou sa mère par leur prénom.

Il est également interdit à quelqu’un d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père.

Cependant, ce Din n’est valable que lorsque le père possède un prénom rare, c'est-à-dire, un prénom qui n’est pas très répandu. Dans ce cas précis, il est interdit à une personne d’appeler son ami par son prénom lorsque celui-ci est le même que celui de son père. Par exemple, lorsque le prénom de son père est « Metoushelah’ », et que le prénom de son ami est également « Metoushelah’ », il est interdit dans ce cas d’appeler son ami par son prénom « Metoushelah’ », et ceci, même sans la présence du père.

Mais par contre, lorsque le prénom du père est un prénom ordinaire et répandu - comme par exemple le prénom « Shemouel » - en présence du père, il est interdit au fils d’appeler son ami par son prénom « Shemouel », mais en l’absence du père, c’est permis.

Lorsque quelqu’un - en présence de son père - s’adresse à son ami qui porte le même prénom que son père, et qu’il doit modifier le prénom de son ami en l’appelant, il suffit d’utiliser un diminutif, comme Yossi pour Yossef ou Avi pour Avraham… ou bien si son père s’appelle Yossef, et son ami Yossef ‘Haïm, il peut appeler son ami Yossef ‘Haïm, ainsi que le contraire.

Lorsqu’on demande à quelqu’un quel est le prénom de son père, il ne doit pas répondre directement « Shemouel » ou autre, mais plutôt par les termes « le prénom de mon père est Shemouel ».

L’interdiction d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui du père, concerne même les prénoms civils ou étrangers.

Cette interdiction est valable aussi bien du vivant du père qu’après sa mort.

Toutes ces Hala’hot sont exactement les mêmes concernant la mère.

Sources et développement

On enseigne dans une Baraïta citée dans la Guemara Kiddoushin (31b) :

Le ‘Ha’ham (le Sage) mentionne le nom de son père ou de son maître en les modifiant…

Rashi[D1] explique : Le ‘Ha’ham transmet son commentaire au public, en s’adressant d’abord à un traducteur qui répète ses propos au public (le peuple ne maîtrisait pas l’hébreux, et il fallait leur traduire les propos du ‘Ha’ham en araméen). Lorsqu’il mentionnait le nom de son père ou de son maître, il devait les mentionner en les modifiant (en ajoutant un titre honorifique), en chuchotant à l’oreille du traducteur : « Voici ce qu’a enseigné mon vénéré père untel, voici ce qu’a enseigné mon vénéré maître untel… » (Et non pas « Voici ce qu’a enseigné untel ou untel … » de façon directe).

Cette Baraïta constitue la source à l’interdiction d’appeler son père par son prénom, même si on ne fait que le mentionner, à fortiori si on s’adresse à lui directement.

Ce Din est tranchée par tous les Poskim (décisionnaires), ainsi que par le TOUR[D2] et par MARAN[D3] dans le Shou’l’han ‘Arou’h (Y.D chap.240 parag.2).

Nous pouvons remarquer que la Guemara n’a pas fait de distinction entre le vivant du père ou après sa mort, dans tous les cas il est interdit d‘appeler le père par son prénom, aussi bien de son vivant qu’après sa mort.

Le RAMBAM l’écrit explicitement (chap.6 des Hal. relatives aux renégats, Hal.3).

Mais notre maître le RAMBAM ajoute aussi qu’il est également interdit à quelqu’un d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père. Par exemple, si une personne a un ami qui se nomme « Shemouel » comme son père, il lui est interdit d’appeler son ami par son prénom « Shemouel ».

Cependant, le RAMBAM lui-même écrit que ce Din n’est valable que lorsque le père possède un prénom rare, c'est-à-dire, un prénom qui n’est pas très répandu. Dans ce cas précis, il est interdit à une personne d’appeler son ami par son prénom lorsque celui-ci est le même que celui de son père. Par exemple, lorsque le prénom de son père est « Metoushelah’ », et que le prénom de son ami est également « Metoushelah’ », il est interdit dans ce cas d’appeler son ami par son prénom « Metoushelah’ », et ceci, même sans la présence du père.

Mais par contre, lorsque le prénom du père est un prénom ordinaire et répandu - comme par exemple le prénom « Shemouel » - en présence du père, il est interdit au fils d’appeler son ami par son prénom « Shemouel », mais en l’absence du père, c’est permis.

MARAN – dans le Shoul’han ‘Arou’h (voir référence précédente) tranche conformément au RAMBAM également sur ce point.

Le TOUR s’étonne du Din ajouté par le RAMBAM, selon lequel il est interdit à quelqu’un d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père. En effet, le TOUR fait remarquer que cette interdiction n’apparaît pas dans la Guemara qui fait mention uniquement de l’interdiction d’appeler son père par son prénom, et non d’appeler d’autres personnes par leur prénom quand celui-ci est le même que celui du père.

Le MAHARSHAL[D4] – dans son livre Yam Shel Shelomo (sur le 1er chap. de Kiddoushin chap.65) affirme que ce Din n’a aucun fondement dans le Talmud, et n’est qu’une rigueur superflue.

Mais le Ba’H[D5] (Baït ‘Hadash) justifie la source du RAMBAM concernant l’interdiction d’appeler d’autres personnes par leur prénom quand celui-ci est le même que celui du père.

En effet, selon le Ba’H, tout dépend de l’interprétation que l’on fait de la Baraïta citée en début de nos propos. Voici comment il faut l’interpréter selon le RAMBAM (compris par le Ba’H) :

Lorsque le ‘Ha’ham – qui transmettait son commentaire au public – citait un enseignement au nom d’un autre ‘Ha’ham qui portait le même nom que son propre père, il devait le citer en le modifiant (en ajoutant un titre honorifique).

Ceci par opposition à l’interprétation de Rashi (voir plus haut) qui utilise cette Baraïta uniquement pour apprendre l’interdiction d’appeler son père par son prénom, et rien de plus.

Alors que pour le RAMBAM, cette Baraïta est la source d’une autre interdiction : celle d’appeler d’autres personnes par leur prénom lorsque celui-ci est le même que le prénom du père. Le RAMBAM apprend l’interdiction d’appeler son père par son nom, à partir d’un autre enseignement situé dans la Guemara Sanhedrin (100a) où l’on cite l’interdit d’appeler son Rav par son prénom, et le RAMBAM en déduit qu’il en est de même pour le père.

On peut justifier les propos du RAMBAM (concernant l’interdit d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père) d’une autre façon.

En effet, le ‘Arou’h[D6] (section « Abayé ») cite au nom des Gueonim que le Amora (sage du Talmud) Abayé s’appelait en réalité « Na’hmani » comme le père de Rabba, comme on le voit dans divers endroit du Talmud (voir Guemara Shabbat 33a et Guemara Pessa’him 112b). Il était le neveu et l’élève de Rabba. Or, ne pouvant pas l’appeler en permanence par son prénom puisqu’il était identique à celui de son propre père, Rabba décida de lui donner le nom d’Abayé (les lettres du nom Abayé sont les initiales hébreux du verset Asher Be’ha Yerou’ham Yatom qui signifie : « grâce à toi l’orphelin sera prit en pitié » car Abayé était orphelin de père et de mère). Ces propos du ‘Arou’h sont rapportés par le Gaon Rabbi ‘Akiva EIGUER[D7] dans le Guilayon HaShass (sur Guittin 34b).

Nous savons que le RAMBAM a aussi rassemblé de nombreuses Hala’hot à partir des livres des Gueonim – comme en attestent les A’haronim (voir le livre Or Zaroua’ Latsaddik de Rabbi Tsadok Ha-Cohen de Louvlin sur Rambam chap.6 des Hal. relatives aux renégats Hal.3), et l’on peut donc en déduire que c’est à partir de cette explication des Gueonim que le RAMBAM apprend l’interdiction d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui du père.

Mais Rashi explique à l’inverse, qu’Abayé était son véritable prénom, mais puisque Rabba Bar Na’hmani l’a élevé dans sa propre maison et lui a enseigné la Torah, il lui donna également le nom de son père Na’hmani.

Cela nous donne la Ma’hloket (divergence d’opinion Hala’hic) suivante :

· Selon le RAMBAM, appuyé par l’explication des Gueonim et du ‘Arou’h, il est interdit d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père.

· Selon Rashi, le TOUR (qui s’étonna sur les propos du RAMBAM, voir plus haut) et le MAHARSHAL, il n’est interdit que d’appeler son père par son prénom, et non les autres lorsque leur prénom est le même que celui du père.

Voici les termes du Shoul’han ‘Arou’h sur ce point (Y.D chap.240 parag.2) :

On ne doit pas l’appeler (le père) par son prénom, ni de son vivant, ni après sa mort, mais seulement par le qualificatif « mon vénéré père untel ». Si son prénom est comme celui d’autres personnes, on doit modifier le prénom des autres personnes lorsqu’on s’adresse à elles, s’il s’agit d’un prénom rare, que tout le monde n’a pas l’habitude d’appeler.

Note du RAMA[D8] : Mais lorsqu’il s’agit d’un prénom courrant, il est permis d’appeler les autres par leur prénom si le père n’est pas présent.

Selon les A’haronim (voir le TaZ sur ce chapitre note 4 et 5, ainsi que le Ben Ish ‘Haï Parasha de Shofetim parag.4) que le RAMA ne vient pas contester les propos de MARAN mais uniquement les expliquer, en précisant que lorsqu’il est permis d’appeler les autres personnes par leur prénom – s’il s’agit d’un prénom courrant – ceci uniquement lorsque le père n’est pas présent, mais si le père est présent, il est interdit d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui de son père, même s’il s’agit d’un prénom courrant (comme on peut le constater dans le Beit Yossef Y.D chap.242 à travers les propres propos de MARAN).

Lorsque quelqu’un - en présence de son père - s’adresse à son ami qui porte le même prénom que son père, et qu’il doit modifier le prénom de son ami en l’appelant, il suffit d’utiliser un diminutif, comme Yossi pour Yossef ou Avi pour Avraham… ou bien si son père s’appelle Yossef, et son ami Yossef ‘Haïm, il peut appeler son ami Yossef ‘Haïm, ainsi que le contraire.

L’interdiction d’appeler d’autres personnes par leur prénom si celui-ci est le même que celui du père, concerne même les prénoms civils ou étrangers, comme le stipule le RAMBAM (chap.6 des Hal. relatives aux renégats, Hal.3).

Toutes ces Hala’hot sont exactement les mêmes concernant la mère, comme l’attestent de nombreux A’haronim comme le ‘Hayé Adam[D9] (chap.67 note 8) ; le Pélé Yo’ets[D10] (section « Daleth » page 68) ; le Ben Ish ‘Haï[D11] (Parasha de Shofetim fin du parag.7).

Rédigé et adapté par R. David A. PITOUN France 5769 sheelot@free.fr

(à partir des écrits du Gaon Rabbi Ya’akov SASSON shalita)

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[D1]RaSHI Rabbi Shelomo ITS’HAKI France 11ème siècle

[D2]Tour Rabbenou Yaakov Ben Asher Allemagne, fils du RoSH, Espagne 13ème et 14ème siècle.

[D3]Maran ou « Notre maître » en araméen. Rabbi Yossef Karo, 16ème siècle, Espagne – Israël, l’auteur du Beit Yossef et du Shoul’han Arou’h

[D4]RaSHaL ou MaHaRSHaL, Rabbenou SHlomo Louria Pologne 16ème siècle

[D5]Ba’h (Baït ‘Hadash) Rabbi Yoël SIRKISS Pologne 16ème siècle

[D6]Le Arou’h Rabbenou Natan Italie 11ème siècle

[D7]Rabbi ‘Akiva EIGUER Allemagne 18ème et 19ème siècle. L’un des plus importants décisionnaires. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de commentaires sur le Talmud, ainsi que de nombreuses décisions Hala’hic.

[D8]RaMA Rabbi Moshé ISSERLEISS Pologne 16ème siècle, opinion Hala’hic principale pour les Ashkenazim

[D9]Hayé Adam Rabbi Avraham DANZTIG Allemagne 19ème siècle

[D10] Pélé Yo’ets Rabbi Eli’ezer PAPO , également auteur du Hessed Lealafim. Rav de la ville de Silistra en Bulgarie 19ème siècle

[D11]Ben Ish ‘Haï Rabbi Yossef ‘HAÏM Irak 19ème siècle Auteur de nombreux ouvrages, dont Shou’t Rav Pe’alim, ‘Od Yossef ‘haï et d’autres…

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