Goûter un laitage pour éviter une bénédiction en vain
Cette Hala’ha est dédiée à la Refoua Shelema – la guérison complète de mon épouse Sylvie Mazal Esther Bat Régine ‘Haya Sim’ha, ainsi que pour la Refoua Shelema du Gaon et Tsaddik Rabbi Morde’haï Tsema’h Ben Mazal Tov (le Rav Morde’haï Eliyahou shalita), ainsi que pour la Refoua Shelema de l’enfant Yo’heved Mazal Bat ‘Hassiba (fille de Yéhouda et Eva ALLOUN), ainsi que pour la Refoua Shelema de Its’hak Ben ‘Aïsha, ainsi que pour la Refoua Shelema de I’hya Nathan Yossef Aharon Ben Déborah, ainsi que pour la Refoua Shelema de Yonathan Yehouda Ben Aviva, ainsi que pour ma propre Refoua Shelema David Avraham Ben Simi.
QUESTION
Une personne a récité par inadvertance une bénédiction sur un laitage alors qu’elle se trouve dans les 6 heures d’attente pour consommer des laitages.
Cette personne doit-elle malgré tout goûter une petite partie de ce laitage afin que sa bénédiction ne soit pas en vain, ou doit-elle s’en abstenir puisque les 6 heures ne se sont pas encore écoulées ?
DECISION DE LA HALA’HA
Selon l’opinion de nombreux décisionnaires Rishonim (de l’époque médiévale) dont le RAMBAM, ainsi que selon l’opinion de MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h, le fait de réciter une bénédiction en vain est un interdit de la Torah, alors que le fait d’attendre 6 heures entre une consommation de viande et une consommation de laitages n’est qu’une obligation érigée par nos maîtres.
Par conséquent, si une personne a récité par inadvertance une bénédiction sur un laitage alors qu’elle se trouve dans les 6 heures d’attente pour consommer des laitages, cette personne doit malgré tout goûter une petite partie de ce laitage afin que sa bénédiction ne soit pas en vain.
SOURCES ET DEVELOPPEMENT
Lors d’une précédente Hala’ha (du 6 janvier), nous avons établi qu’il est obligatoire d’attendre 6 heures entre une consommation de viande et une consommation de laitages.
Cette opinion est celle du RAMBAM et de la majorité des Rishonim, ainsi que celle de MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h. Telle est la règle pour les Séfaradim.
Nous avons aussi fait mention des propos du RAMA qui cite l’opinion des Tossafot et de Rabbenou TAM selon qui il est suffisant d’attendre 1 heure entre une consommation de viande et une consommation de laitages, et que tel est l’usage dans les communautés Ashkénazes. Mais le RAMA précise aussi qu’il est plus juste d’adopter l’usage d’attendre 6 heures.
A présent, nous allons traiter d’un cas pratique sur ce sujet.
Une personne a consommé de la viande, et un moment plus tard (moins de 6 heures), elle récite par inadvertance la bénédiction sur un morceau de fromage, mais juste avant de goûter, elle se rend compte de son erreur.
D’une part, si elle ne goûte pas le morceau de fromage, sa bénédiction aura été récitée en vain.
Mais d’autre part, si elle goûte le fromage, elle transgresse l’interdiction de consommer des laitages après avoir consommé de la viande.
Nos maîtres enseignent dans la Guémara Béra’hot (33a) qu’il est interdit de réciter une bénédiction en vain. Ils apprennent cette règle à partir d’un verset de la Torah : « Tu ne prononceras pas le Nom d’Hashem ».
Selon le RAMBAM dans une Tshouva (Peer Ha-Dor chap.84), ce verset constitue une véritable source de la Torah à l’interdit de réciter une bénédiction en vain, et selon son opinion, le fait de réciter une bénédiction en vain est un véritable interdit de la Torah.
Telle est l’opinion de MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 215).
Mais les Tossafot (sur Rosh Ha-Shana 33a) considère le verset de la Torah « Tu ne prononceras pas le Nom d’Hashem » cité dans le traité Béra’hot mentionné plus haut comme une simple « Asma’hta » (un simple appui dans le texte de la Torah pour fonder un interdit érigé par nos maîtres), et selon leur opinion, le fait de réciter une bénédiction en vain est un interdit érigé par nos maîtres.
A la lueur de ces deux opinions, concernant notre problème, il semble donc que selon le RAMBAM et MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h, il faut goûter une petite partie du fromage pour que la bénédiction n’est pas été récitée en vain, puisque selon leur opinion, le fait de réciter une bénédiction en vain est un interdit de la Torah, alors que le fait de consommer des laitages après la viande n’est qu’un interdit érigé par nos maîtres.
Par contre, selon l’opinion des Tossafot, il semble qu’il n’est pas nécessaire de goûter puisque selon leur opinion, le fait de réciter une bénédiction en vain n’est qu’un interdit érigé par nos maîtres, au même titre que le fait de consommer des laitages après la viande.
Cependant, notre maître le Rav Ovadia YOSSEF Shalita fait remarquer dans son livre Shou’t Yé’havé Da’at (tome 4 chap.41 page 213) que même selon l’opinion des Tossafot, il est préférable dans notre cas de goûter une petite partie du fromage, car l’interdiction de consommer des laitages après avoir consommé de la viande est un interdit qui n’est pas très clair dans les propos des décisionnaires puisqu’il fait l’objet d’une discussion comme nous l’avons déjà précisé, alors que l’interdiction de réciter une bénédiction en vain – même si elle n’est érigée que par nos maîtres selon l’opinion des Tossafot – elle n’en reste pas moins une interdiction certaine et établie de façon très claire. Or, l’interdit « douteux » d’attendre entre une consommation de viande et une consommation de laitages ne peut occulter l’interdit « certain » de réciter une bénédiction en vain.
Dans le même ordre d’idée, nous pouvons citer les propos du RAMA (sur O.H 271-5) concernant l’interdiction de consommer avant la Havdala. Si une personne oublie et récite la bénédiction du pain avant d’avoir récité la Havdala, elle doit malgré tout goûter une petite quantité de pain pour que sa bénédiction ne soit pas en vain. Notre maître le ‘HYDA – dans Shiyouré Béra’ha - ajoute que cette opinion est celle de l’auteur du Sefer Ha-Batim, et d’autre part, le Gaon Rabbi Zalman tranche ainsi dans son Shoul’han ‘Arou’h.
Nous constatons là encore qu’un interdit érigé par nos maîtres comme celui de ne pas consommer avant la Havdala, est repoussé devant l’interdiction de réciter une bénédiction en vain qui beaucoup plus grave.
Mais nous pouvons aussi objecter en utilisant les propos du RAMBAM (fin du chap.1 des règles relatives aux bénédictions) ainsi que les propos des Tossafot (sur Béra’hot 45a) selon qui la consommation d’un aliment interdit n’est pas considérée Hala’hiquement comme une consommation. C'est pourquoi une personne qui doit consommer un aliment interdit (en cas de maladie grave ou autre) – même s’il s’agit seulement d’un aliment interdit par nos maîtres - ne récite aucune bénédiction sur cet aliment. C’est ainsi que tranche MARAN dans le Shoul’han ‘Arou’h (O.H 196-1).
Selon cela, le fait de goûter une petite partie de fromage lorsqu’on a récité sa bénédiction pendant les 6 heures d’attente depuis une consommation de viande n’empêchera pas la bénédiction d’être en vain puisque cette consommation de fromage constitue un interdit et n’est donc pas considérée comme une consommation.
En réalité, cette règle du RAMBAM concerne uniquement des aliments qui sont de véritables interdits alimentaires de par eux même. Ce qui n’est pas le cas du fromage qui est un aliment permis de par lui-même, mais qui est momentanément interdit pendant 6 heures depuis une consommation de viande.
Selon cela, la consommation d’une petite quantité de fromage sera utile pour empêcher que la bénédiction soit en vain.
Le Baït ‘Hadash (sur O.H 204) fait remarquer que même les décisionnaires selon lesquels on ne doit réciter aucune bénédiction sur un aliment interdit que l’on consomme en cas de danger admettent malgré tout que l’on doit réciter les bénédictions alimentaires lorsqu’on consomme le jour de Yom Kippour en cas de danger.
Cette précision du Baït ‘Hadash confirme la nuance entre un aliment interdit de par lui-même et un aliment permis, mais qui est interdit seulement de façon momentanée.
Il semble tout à fait approprié de citer un fait qui arriva au Gaon Rabbi Avraham AL KLA’I z.ts.l et qu’il raconte lui-même dans son livre Za’hor Lé-Avraham (sect. « Bassar Bé-‘Halav »). Voici ses propos :
« Un jour d’hiver, quelques heures après avoir fait un repas de viande, j’ai récité par inadvertance la bénédiction sur un morceau de fromage et je l’ai mis dans la bouche. Puis, je me suis souvenu avant de l’avaler que j’avais mangé de la viande moins de 6 heurs plus tôt. Après réflexion, il me sembla plus juste d’avaler afin que ma bénédiction ne soit pas en vain. » Fin de citation.
Nous trouvons ce problème dans d’autres domaines de la Hala’ha :
Si une personne récite par erreur la bénédiction sur un morceau de viande (ou sur un verre de vin) après Rosh ‘Hodesh Av, elle doit malgré tout consommer une petite quantité de cette viande ou de ce vin, car l’interdiction de réciter une bénédiction en vain est beaucoup plus grave que d’enfreindre un Minhag (une tradition).
De plus, cette consommation minime ne représente ni une expression de joie ni la négligence du deuil de cette période.
En effet, le Sédé ’Hemed (sect. « Ben Ha-Metsarim » chap.1 note 5) apporte une preuve à ce Din à partir des propos du Shou’t Kenessete Ha-Guedola (O.H chap.31) au sujet de celui qui récite par erreur la bénédiction d’un fruit nouveau pendant Ben Ha-Metsarim (les 3 semaines entre le 17 Tamouz et le 9 Av) et se souvient avant de consommer le fruit que l’usage interdit de consommer des fruits nouveaux pendant cette période afin de ne pas avoir à réciter la bénédiction de Shehe’heyanou qui est l’expression d’une joie. Dans une telle situation, il faut malgré tout réciter aussi la bénédiction de Shehe’heyanou et consommer le fruit, afin que la bénédiction du fruit ne soit pas « Levatala » (en vain).
Nous constatons que l’interdiction de réciter une bénédiction en vain est plus importante qu’une tradition, et il en est donc de même dans notre sujet où il est également question d’une tradition de ne pas consommer de viande et de vin après Rosh ‘Hodesh Av.
Similairement, de nombreux A’haronim – et parmi eux, notre maître le ‘HYDA dans son livre Birké Yossef (sur O.H 568) - tranchent que le jour d’un jeûne, si une personne récite par erreur une bénédiction sur un aliment en oubliant que ce jour est un jour de jeûne, elle doit quand même consommer une petite partie de cet aliment afin que sa bénédiction ne soit pas « Levatala ».
Par conséquent, si une personne a récité par inadvertance une bénédiction sur un laitage alors qu’elle se trouve dans les 6 heures d’attente pour consommer des laitages, cette personne doit malgré tout goûter une petite partie de ce laitage afin que sa bénédiction ne soit pas en vain.
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