Le poisson et le fromage

Le poisson et le fromage

Cette Hala’ha est dédiée à la Refoua Shelema – la guérison complète de mon épouse Sylvie Mazal Esther Bat Régine ‘Haya Sim’ha, ainsi que pour ma propre Refoua Shelema David Avraham Ben Simi.

QUESTION

Est-il permis de consommer du poisson mélangé à du lait ou du fromage, comme c’est souvent le cas dans certaines Pizzas au fromage, par exemple ?

DECISION DE LA HALA’HA

Les Sefaradim doivent s’abstenir de consommer du poisson mélangé à du lait ou à du fromage - comme c’est souvent le cas dans certaines Pizzas au fromage, par exemple - par crainte de danger.
Si toutefois, du poisson a été cuit par erreur avec du lait ou du fromage – Bedi’avad (à posteriori) – on peut autoriser sa consommation.

Par contre, ceux qui ont l’usage de consommer du poisson avec du beurre (même des Sefaradim), peuvent conserver leur usage.

Les Ashkenazim ont l’usage de s’autoriser tout cela (même la consommation du poisson mélangé à du lait ou du fromage), et peuvent conserver leur usage.

Mais à l’époque tourmentée à laquelle nous vivons, où toutes sorte de maladies et infections nouvelles apparaissent et échappent totalement à la maîtrise de la science, il est plus que recommandé de faire preuve de vigilance sur les mises en garde de nos maîtres les décisionnaires, car toutes les causes des maladies n’ont encore pas été découvertes par la médecine, et beaucoup d’entre elles n’ont été découvertes que récemment.

C’est l’occasion de faire preuve à la fois de maturité, de vigilance et de confiance en l’enseignement de nos décisionnaires !!

SOURCES ET DEVELOPPEMENT

Il est enseigné dans la Guémara ‘Houlin (103b) :
Il est interdit de cuire toute viande avec du lait, excepté la viande de poisson ou de sauterelle.
Il est donc explicite que selon le strict Din, la cuisson du poisson avec le lait n’est pas incluse dans la cuisson de la viande avec le lait, car la viande de poisson n’entre pas dans la catégorie « viande » que la Torah a interdit, et n’est pas non plus interdite par nos maîtres.

Cependant, MARAN écrit dans le Beit Yossef (Y.D - 87) « qu’il ne faut pas manger de poisson avec des laitages, par crainte de danger comme expliqué dans la partie Ora’h ‘Haïm chapitre 173. »
C’est ainsi qu’écrit également l’auteur du Levoush.

Le RAMA dans Darké Moshé (note 4) écrit :
« Je n’ai pourtant jamais vu personne faire preuve de vigilance sur ce point. De plus, dans la partie Ora’h ‘Haïm chapitre 173, il est seulement question de ne pas consommer de poisson avec de la viande, (selon l’enseignement de la Guémara Pessa’him 76b). »

Le Gaon auteur du Périsha (note 8) fait lui aussi cette remarque sur le Beit Yossef, et prouve – à partir de la Guémara ‘Houlin citée plus haut – qu’il est permis de consommer du poisson avec des laitages.

Telle est également l’opinion du Sifté Cohen (Sha’h) (note 5).
Tel est aussi l’avis du Touré Zahav (TAZ) (note 3) qui va même jusqu’à dénoncer une faute de copiste dans les propos du Beit Yossef, et selon lui il faudrait corriger les propos du Beit Yossef et plutôt écrire « qu’il ne faut pas manger de poisson avec la viande », puisque c’est justement le sujet du chapitre 173 de la partie Ora’h ‘Haïm.

Telle est l’opinion de nombreux autres décisionnaires.

Cependant, le Gaon auteur du Shou’t ’Hinou’h Beit Yehouda (chap.61) rapporte au nom du MAHARAM de Cracovie qu’il faut maintenir la version du Beit Yossef telle qu’elle est devant nous, car de célèbres médecins ont effectué des recherches sur la question, et ils ont établie que seul le mélange de poisson avec du beurre ne représente pas de danger, mais du poisson mélangé aux laitages représente un risque de maladie pour celui qui le consomme. En effet, d’un point de vue médicale, les poissons ont un effet refroidisseur sur le corps humain, et les laitages causent certains effets nocifs au corps. Le mélange des deux pourrait provoquer certaines maladies. Or, selon la Hala’ha, « le danger est encore plus grave que l’interdit »
C’est aussi ce qu’il écrit dans son livre Beit Le’hem Yehouda (sur Y.D 87 note 4).

Le médecin et ‘Ha’ham Rabbi Ya’akov TSAHALON partage aussi cet avis, et précise - dans son livre Otsar Ha’Haïm - que le mélange du poisson et des laitages provoque de graves maladies. (Ses propos sont rapportés en marge du Shoul’han ‘Arou’h Yoré De’a chap.87 édition Vilna)

C’est également ce que pense le Gaon auteur du Kenesset Ha-Guédola (notes sur le Beit Yossef Y.D 87 note 19) qui rapporte au nom du Sheerit Yehouda l’affirmation de la part de médecins experts que le mélange de poisson avec des laitages représente un risque de lèpre.

Tel est également l’avis du Gaon auteur du Shou’t Adné Paz (chap.42)

Voici les propos du Gaon et médecin Rabbi Its’hak LAMPERONTI dans son livre Pa’had Its’hak (section « Beit » page 69b) :
« J’ai grandi parmi les sages et les doyens de la médecine, et je n’ai pourtant pas trouvé de fondement aux propos du Rav auteur du Sheerit Yehouda au nom de médecins qui attestent que le mélange du poisson et des laitages représente un danger. Il est vrai que si l’on boit du lait et qu’immédiatement après on consomme du poisson ou bien le contraire, on s’expose à un danger mortel, mais lorsqu’on consomme du poisson mélangé à du beurre ou du fromage, je n’ai pas trouvé le moindre danger. Cependant, « puisque les mots émanent de la bouche du roi – Maran l’auteur du Beit Yossef – j’ai interdit au sein de mon foyer la consommation de poisson mélangé à du fromage ou du beurre. » Fin de citation.

Le Gaon auteur du Shou’t Beit David (sect. Y.D chap.33) explique l’opinion de MARAN en rappelant que nos maîtres ont interdit le mélange du poisson avec la viande (Pessa’him 76b) à titre de danger et que l’on peut expliquer ce danger par le fait que la viande provient de l’animal qui a été crée sur la terre, alors que le poisson a été crée dans la mer, et le mélange des deux espèces peut constituer un danger. Il en est de même pour le laitage qui vient de l’animal, si on le mélange au poisson, cela peut également représenter un danger.

Nous pouvons aussi associer à l’opinion de tous ces décisionnaires, celle de Rabbenou Ba’hyé (qui vivait à l’époque médiévale) dans son commentaire sur la Torah (Mishpatim, sur le verset « Tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère ») où il précise que selon l’opinion des médecins, le mélange du poisson et du fromage cuits ensemble peut causer la maladie de la lèpre.

Malgré tout, notre maître le ‘HYDA dans Ma’hzik Bera’ha (sur Y.D chap.87 note 4) – maintient la position du TAZ (cité plus haut) selon qui il y a réellement une erreur de copiste dans les propos du Beit Yossef, et selon le ‘HYDA, MARAN ne faisait allusion qu’à l’interdiction de mélanger le poisson à la viande. Le ‘HYDA rejette les explications du Beit David et Kenesset Ha-Guedola, et il fait même remarquer que MARAN ne cite le problème que dans le Beit Yossef et n‘en fait pas mention dans le Shoul’han ‘Arou’h.

Cependant, de nombreux décisionnaires – dont notre grand maître le Rav Ovadia YOSSEF Shalita dans son livre Shou’t Ye’havé Da’at (tome 6 chap.48) - émettent une remarque sur les propos de notre maître le ’HYDA.
En effet, il est très difficile d’admettre qu’une erreur de copiste se serait glissée dans le livre BEIT YOSSEF, car le chapitre où est cité le problème traite de la consommation de poissons avec du lait, et il est donc difficile de faire un rapport entre ce sujet et la consommation de poissons avec de la viande.
De plus, comment l’usage d’interdire la consommation du poisson mélangé à des laitages, se serai t-il répandue avec le soutient des Grands de toutes les générations, alors que toute l’origine de ce Din reposerai sur une totale confusion emmenant de l’erreur d’un copiste ?!
Il est donc certain que s’il y avait réellement erreur, les Grands de la génération de MARAN (16ème siècle), comme ceux des générations suivantes, auraient exprimés leur opinion selon laquelle, il y a une erreur dans le livre BEIT YOSSEF.
En particulier, lorsqu’on sait que MARAN lui-même a vérifié son livre sans faire la moindre remarque.
Par conséquent, différents Poskim - comme le Gaon Rabbenou Yossef ‘HAÏM, dans son livre BEN ISH ‘HAÏ (2ème année, Parasha de Beha’alote’ha, note 9), ainsi que dans son livre Shou’t Rav Pe’alim (tome 2 section Yoré Dé’a chap.10), ou comme son maître le Gaon Rabbi ‘Abdellah SOME’H dans son livre Ziv’hé Tsedek (sur Y.D chap.87, note 18) - écrivent qu’il y a lieu de s’interdire la consommation du poisson mélangé à des laitages, à titre de Minhag (tradition).
C’est pourquoi, il est souhaitable de s’imposer la rigueur - Le’hate’hila (à priori) – de ne pas consommer de poisson mélangé à des laitages.
Telle est l’opinion de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF shalita - dans son livre Shou’t Ye’havé Da’at (tome 6 chap.48) - et il rapporte que les Sefaradim ont toujours eu l’usage de s’interdire la consommation du poisson mélangé à des laitages, par crainte de danger.

Si toutefois, Bedi’avad (à posteriori), du poisson à déjà été cuit (par erreur) avec des laitages, il y a lieu d’autoriser sa consommation même à des Sefaradim qui ont l’usage de s’en abstenir.

Toutefois, le Gaon Rabbi Shalom MESSAS z.ts.l, autorise de façon catégorique, car selon lui, il n’est pas du tout évident que MARAN l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h interdise la consommation du poisson mélangé à des laitages.
De plus, de nombreuses personnes d’origine Sefarade ont l’usage de s’autoriser la consommation du poisson mélangé à des laitages.
Il ajoute que même les médecins de notre temps admettent qu’il n’y a pas le moindre risque de maladies graves en consommant du poisson mélangé à des laitages.

Par contre, en ce qui concerne la consommation du poisson mélangé à du beurre, de nombreux Poskim autorisent, même selon l’usage des Sefaradim, comme l’écrit le Gaon Rabbi ‘Abdellah SOME’H z.ts.l, de la ville de Bagdad, où l’on avait l’usage d’autoriser la friture du poisson dans le beurre.
C’est pourquoi, les personnes qui ont l’usage de consommer du poisson avec du beurre, peuvent conserver leur usage (il y a même lieu de débattre concernant la crème avec laquelle est fabriqué le beurre).

Les Ashkenazim ont l’usage de s’autoriser tout cela (même la consommation du poisson mélangé à des laitages), et peuvent conserver leur usage.